« Revenue de l’enfer, et encore chancelante, je revois depuis peu comme une renaissance de la lumière, comme un réenchantement du monde: je t’ai trouvé, toi. Depuis peu. « Adrien ».
Amour, que je reçois, en moi comme un refrain, une rengaine d’un temps que j’avais oublié. Un avant merveilleux, tout simplement idéalisé… Malgré tous les retournements. De la vie. De la promise destinée.
Et ce prénom qui sonne et résonne à présent au-devant de mes jours comme un rappel à l’innocence et aux petits et grands bonheurs de cet avant. Avant la chute indispensable, pourtant, de l’éden familier, étranger désormais, égaré comme un rêve, lorsqu’à peine éveillés, nous sortons du silence…
Cette enfance de nous qui ne veut pas s’éteindre, feu qui brûle d’amour, flamme qui reste dense, même encore à genoux, et brûle comme un vœu renouvelé toujours : oh ne jamais se voir grandir, non, pas réellement, ne pas s’attarder loin de ces routes tracées, croit-on, dès la naissance…
Oh ne jamais les voir flétrir, ces fleurs qui portent en elles tout notre devenir, ce qu’on possède alors, ce qui semble éternel, ces fleurs qui nous mutilent, pourtant, qui se transforment, maquillant notre enfance d’un voile de rouges, de fards intenses, éclats de la maturité, une fois qu’a passé le vent d’adolescence, et la jeunesse si volage, si volatile dans ses danses.
Ces fleurs de la promesse que semble nous donner le destin, libre voie, voie libre devant, là, dont il faut bien choisir, alors, laquelle est bien pour soi, laquelle emmènera nos envies de vacances, d’aller voir un peu loin, peut-être, dans ces moments d’urgence, d’impatiente inconscience, inégalée, je crois, quand nos vingt ans s’avancent…
Des regrets se font jour, pourtant, c’est la vraie pluie, celle qui purifie, qui lave les péchés, les erreurs de jeunesse, nous menant à la vie, la « vraie », dit-on, celle d’adulte, dans un doux paradoxe.
C’est que la vérité, condition du soleil qui nous éclairera, dans nos pas difficiles, nos passages délicats, ne naît qu’en la douleur, de ce qu’on ne peut vivre tout ce qui est prévu, terrible discordance des idéaux et de la vie. De l’éternité de l’enfance, à la mortalité du temps. De la réalité d’adulte, à l’infini d’un amour retrouvé. »
(… Autre extrait)
« Et pourtant tout au fond de moi je sais : l’amour n’est pas fait pour durer. N’est-ce pas ?…
Ou cela se saurait. Non ?
Ce n’est que moments instantanés, sacrés, certes, divins.
Mais dans mon âme à moi je sens déjà la fêlure probable, le moment fatal où le pont cèdera, où la belle architecture de façade s’écroulera. Sans crier gare, sans prévenir. Je sais par expérience, du moins par mon passé, où il n’y eût nulle romance, à proprement parler, qu’il ne faut pas se reposer sur des lendemains qui sont censés chanter. Je sais trop par avance, je sais trop qu’il vaut mieux, à la rigueur, ne pas monter « trop haut ». Car la chute en est terrible, sans appel.
Et c’est pourtant ce que j’ai par trop fait. Ou bien par trop subi. Rengaine qui s’est répétée, refrain toujours si alangui, et si pesant de son silence, tant de fois dans ma vie.
J’en écrivais tant de poèmes, de ces amours déjà flétries, à peine nées, ces aventures d’un autre monde. Bien différent de toi et moi, là, aujourd’hui, Adrien flou, pourtant chéri. Adrien comme un paradis, que l’on convoite et qui s’ignore, nous, nous perdant dans ce décor, dans le cœur de toutes les parades, dans la quête des sentiments, qui nous obsède… Danses qui toujours nous appellent… à nous aimer, une fois pour toutes !
Dans ces « parades » qui nous angoissent, ou qui nous perdent ou qui nous sauvent…
Oui, c’est selon.
Mais moi je suis bien trop souvent tombée, dans certains filets, sans raison, à tous ces hommes sans visage, et aujourd’hui sans nom.
C’est l’impatience qui est de mise, dans ces passades sans durée. C’est la joie qui semble permise, enfin, dans toutes ces passions, qui nous font une âme insoumise, oublieuse de la raison. Pourtant au fond l’on jette un peu sa mise, au pied d’une tour sans réponse, et infernale à en mourir.
J’ai vécu tant de toutes ces « petites morts », oui, tous ces longs essoufflements, ces perditions de la tendresse, lorsqu’elle ne sait plus son nom.
Oh, non, ma belle, douce tendresse, perdue quelquefois à la longue, quelquefois oui tu nous dis « non », « va voir ailleurs d’autres promesses, ne force pas les choses en vain, elle est déjà finie la danse »…
Alors l’on se tait c’est certain. Et l’on réprime la violence. Jusqu’au sanglot du lendemain, et jusqu’à la blessure immense : celles des sentiments vains.
Un peu comme dans mon poème de l’époque, qui se répétait en variations infinies…
Rencontre amoureuse
Je le sais par avance
Il a déjà les clés
De mon corps et sa danse
Vient de tout commencer
Plus de dés, plus de chance,
C’est la fatalité
Je le sais par avance
Il ne saura m’aimer.
Je le sais par avance
Que je serai flouée
Ce jeu vidé de sens
Va pourtant m’emporter
La marée va son cours
Je suis sur son chemin
Englouties, les amours,
Tel sera le destin
Engloutis, mon amour,
Nos rêves de Demain,
La nuit après le jour
Viendra, je le sais bien
D’avance ils sont pipés
Les dés du lendemain
Malgré tous nos efforts
Cette belle journée
Ce défi à la mort
Qui vient tout encercler
On lui donnera tort
Et la voilà fanée
A rebours, décimées,
Les fleurs les plus retorses
Qu’une pluie vient laver
De leur péché si fort
Leur vice de beauté
C’est la chute des corps
Après l’union fragile
D’avance, je le savais.
Mais mes mots malhabiles
N’auront rien empêché
Tu es loin désormais
Je le savais d’avance
Que le bonheur ne dure…
C’est un temps l’innocence
Puis il y a la blessure
Qui envahit les sens
O terrible parjure
Je connaissais d’avance
Pourtant, ton jeu d’usure
Qui toujours recommence…"
C. Pivert http://www.edilivre.com/l-inconstance-des-sentiments-231c822081.html